LES CHIENS ERRANTS DE SANTIAGO
A Santiago du Chili, KiltrV (prononcez kiltra), un collectif de cinq artistes issus de la rue, fait parles de lui au point de devenir le symbole d’une jeunesse post Pinochet désabusée mais qui l’espoir de voir des jours meilleurs.
Á Santiago, une bande de street artistes sévit sur les murs de la ville. Ce collectif répond au nom étrange de KiltrV, mélange de « kiltro » qui signifie chien errant ( celui qui est débrouillard) en mapudungu, la langue des Mapuche, une ethnie précolombienne jamais conquise par les Espagnols, et du chiffre romain « V » pour les cinq artistes qui composent le crew- KiltrV est une évolution du collectif Taller de Volantines (atelier de cerfs-volants) après l’incorporation de trois nouveaux membres. Ils s’appellent Piguan, Santana, Rayne3xl, Nebs et Naska, la seule fille.
Rappers, graffeurs, photographes et illustrateurs, ces artistes sont bien ancrés dans la capitale chilienne qu’ils connaissent par coeur et leurs oeuvres commencent á se diffuser en dehors des frontiéres du pays, en atteste leur dernière tournée en Fance parrainée par Ambiguous.
Sans concession, ils improvisent avec leur manager Bertrand Iratchet des expos dans la ue et parfois même dans un appartement : » Mon proprio a essayé de marnaquer. En réponse, on improvisé une expo chez moi, on a cramé 200 bombes de peintures, barbecue et alcool á volonté tous les jours. On a improvisé une galerie intemporelle et une performance… ». raconte Iratchet.
Mais aujourd’hui, fort d’une réputation grandissante, c’est dans des galeries (SapceJunk) ou dans des musées (Musée d’Art Contemporain de Santiago) que le collectif expose. Les graffitis et les fresques murales de KiltrV qui ornent Santiago, loin ressembler á ceux des métropoles nord américaines, diffusent en substance l’esprit critique inhérent á cette forme d’art et témoignent de l’état de la société dans laquelle ils sont peints. Ainsi pour Santiago, ils évoquent la pollution, résultat d’une démographie anarchique, la pasta base, ce dérivé de la cocaine qui ravage les quartiers pauvres de la ville, la corruption des élites ou les disparités entre les classes sociales… Si les sujets abordés par le crew KiltrV sont sérieux, ses oeuvres n’en restent pas moins drôles et l’humour dont elles font preuve se révèle tour á tour subtil ou brut de décoffrage.
Le collectif KiltrV est le reflet d’une jeunesse née á la fin de la dictature de Pinochet. Après la destitution de celle-ci dans années 90, le peuple chilien fondait d’immenses espoirs dans l’avénement d’une société nouvelle et démocratique basée sur la justice, l’education et la paix sociale.
Poudre aux yeux. Le miroir aux alouettes a fonctionné mais le rêve a vite laissé place au mécontentement dans la société chilienne.
KiltrV dénonce les nouvelles bases d’une société, certes démocratique, mais aussi inégale qu’aux plus belles heures du régime du sinistre Généralissime. En réaction, les façades se sont couvertes des fresques de ce collectif á l’esthétique singulière, reflet du style des barrios de Santiago, cité multiculturelle et pluriethnique, et des aspirations d’une jeunesse éprise de liberté.